Avant que la loi ne protège les éléphants de mer, les chasseurs de baleines, au retour d’une expédition souvent décevante, et comme pour soulager leur rancœur à l’égard du règne animal, se transformaient en véritables bouchers et se mettaient à massacrer les pinnipèdes sur les territoires mêmes de la reproduction. Ce véritables carnages, nous préférons le passer sous silence. Mais les premiers chasseurs de phoques étaient étonnés par les flots intarissables de sang que perdaient leurs victimes : 200 litres ! chiffre impressionnant, comparé aux 5 litres de l’être humain ! L’éléphant de mer possède environ deux fois plus de sang que l’homme par livre de muscle, puisque sa graisse, qui représente 40% de son poids, est très faiblement irrigué. Pour pomper cette énorme masse liquide nourricier et compte tenu de sa taille, l’animal possède un cœur tout à fait « ordinaire » - pas du tout hypertrophié. Chez les cétacés, le cœur est également à peine proportionné à la taille. On peut s’étonner que rien ne singularise le muscle cardiaque du dauphin, par exemple, alors que la plupart de ses autres organes sont hautement spécialisés. Mais les Mammifères marins, de par leur posture horizontale coutumière et leur poids pratiquement nul dans l’eau, n’exigent de leur pompe- le – qu’un effort assez restreint. Des réseaux complexes de microscopiques vaisseaux sanguins, qui courent dans le tissus adipeux de part et d’autre de la colonne vertébrale, constituent la caractéristique la plus frappante du système circulatoire des cétacés. Artères et veines forment là ce que l’on appelle les retia mirabilia ou « réseaux admirables » . On a beaucoup spéculé sur leur rôle. Certains physiologistes estiment que leur fonction est de contrôler les brusques variations de pression qui interviennent pendant la plongée. Mais cette hypothèse est sans fondement. La pression, en fait, s’équilibre automatiquement dans tous les fluides corporels, et les seules parties de l’organisme à souffrir véritablement des variations de pression sont les cavités remplies d’air. Certains retia tapissent de petites surfaces autour du cerveau, ainsi que la région pelvienne, qui abrite l’appareil reproducteur : ils servent à irriguer ces organes vitaux ( pour l’individu et l’espèce) pendant la plongée. De façon générale, il semble bien que la fonction première des réseaux admirables soit le stockage d’une certaine quantité de sang riche en oxygène, qui sera utilisée pendant le voyage subaquatique en apnée. |